Hubert Joly


COMMENT PEUT-ON ÊTRE FRANÇAIS ?

Hubert JOLY


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COMMENT PEUT-ON ÊTRE FRANÇAIS ?

 Au moment où les candidats à la présidence de la République débattent de leur conception de la citoyenneté et des politiques que la situation présente du pays peut opposer, nous versons au débat une des conceptions de l'identité des Français sur laquelle tout dialogue est toujours possible aussi bien entre Français, qu'ils soient dits de souche, de hasard, d'histoire ou de coeur, qu'avec tous les francophones ou les étrangers qui s'intéressent à ces problèmes.

  Communication de Hubert JOLY pour les Mélanges offerts au Pr. André Goosse, Président du CILF à l'occasion de ses 80 ans. Bruxelles, mars 2006

Notre très cher Président,

Lorsque Louis XIV conversait avec Françoise d'Aubigné dont il appréciait la rigueur des raisonnements, il s'adressait à elle en lui disant  : "Votre Solidité".

Et c'est bien votre solidité qui m'a rendu perplexe lorsque vos amis m'ont approché pour me demander une contribution à ces Mélanges. Vous êtres en effet membre du CILF depuis 1968, année de la fondation de notre institution et vous le présidez depuis 1991, bientôt quinze ans déjà. C'est sans doute à ce titre que vos collègues ont souhaité que votre secrétaire général participe à la rédaction d'un des textes qu'ils veulent vous offrir en témoignage d'amitié et de reconnaissance. Mais, comment pourrais-je, dans le domaine de la linguistique, rédiger un papier sur un thème que vous connaissez au moins cent fois mieux que moi, qui n'ai pas eu la chance, comme Obélix, de tomber tout bébé dedans, sans enfoncer des portes ouvertes et me rendre ridicule, situation fâcheuse à tous égards ?

Beaucoup plus militant que spécialiste de notre idiome, je m'intéresse moins à la langue… qu'à ses dents. Je me sens par conséquent peu qualifié pour parler de la première.

En revanche, votre qualité de Wallon, la mienne, de Lorrain indépendantiste, qui nous fait associer par Jules César sous le nom de Belges, dénomination à laquelle je tiens beaucoup puisqu'il nous décerne un brevet de courage, cette qualité donc, sans nous priver de la copropriété de la langue française, nous autorise à regarder d'un peu plus loin, d'un peu plus haut, avec un peu d'étonnement, cette langue que les Français parlent avec un drôle d'accent…

Mais, compte tenu du poids que pèsent la France et ses locuteurs dans le devenir de notre langue commune, je ne peux parfois que m'interroger sur ce que ces "maudits Français" ont dans le crâne ou dans le ventre, chaque fois que leur comportement culturel, politique, historique, souvent imprévisible, me parait menacer l'avenir du français. Aussi, lorsque je suis trop agacé, lorsque certains actes portent atteinte à ce qu'un de mes disciples préférés appelle "une certaine idée de la France

", je me dis, très en colère, avec Montesquieu :

"Comment peut-on être Français ?"

 Parce qu'au fond, tout étranger francophone que je sois demeuré jusqu'en 1766, je serais bien incapable de dire si c'est de la langue ou de l'histoire que je tiens l'attachement que j'ai à l'endroit de la France.

Depuis qu'un jour de printemps du cinquième siècle, mes chevaux se sont arrêtés sur les bords de la Meuse endormeuse, peut-être à Harreville-les-Chanteurs, non loin de Domrémy, une lente osmose entre la terre et l'idiome m'a enraciné dans la France. Au point qu'il serait impossible aujourd'hui d'extraire ces racines sans arracher le bonhomme avec.

Est-il indifférent pour le Wallon que vous êtes de gratter un peu ces racines, comme le ferait un coq gaulois, et de voir ce que c'est pour un Français… que de l'être, ne serait-ce que pour comparer comment, les uns et les autres, venus de terroirs physiques et culturels proches mais différents, nous sommes liés à notre commune langue ?

 En d'autres termes, plutôt que de faire une vaste synthèse à la Braudel, voulez-vous jeter un regard ingénu (ou faussement ingénu), faire un peu d'entomologie, et, au-delà des grands panoramas, voir un peu ce qui se passe au travers d'une loupe. Alors, même si tout ceci ne concerne qu'un individu et ses fantasmes, vous serez peut-être surpris de voir ce qui me fait marcher ainsi qu'un certain nombre de mes compatriotes…

Ma façon de procéder sera celle du portrait chinois : si c'était une fleur, quelle serait la fleur qui représente le mieux la France ?

Ici, la réponse est facile, presque tout le monde vous dira  : le lys

, alors qu'on sait très bien que c'est l'iris des marais (Iris pseudacorus !) si abondant sur les humides bords des Capétiens entre Noyon et Crépy-en-Valois.

À l'aube de la France, nous voici déjà pris en défaut de cartésianisme

Mais dans d'autres domaines aussi, vous verrez que la réponse n'est pas si aisée que cela.

Cher Président, vous avouerai-je que je me sens Français du bout des orteils à la pointe de mes cheveux, sans oublier le cœur ni les tripes. Et, en plus, avec des racines aussi puissantes et chevelues que celles de la Gaule du même adjectif. Car, Franc ripuaire - on ne dit pas Franc mosan, ni Franc mosellan, même si c'est plus juste pour ce qui me concerne, j'ai tout de même  adopté ce vieux pays. Aussi, tout comme les petits Sénégalais, je peux perroqueter : "Nos ancêtres les Gaulois" et, avec cinq siècles de retard, j'ai bu toute la lie d'Alésia.

Ce dernier fait, vous le comprendrez, suffit pour établir une certaine distance avec les Latins, distance que même les éléphants d'Hannibal n'ont pu me faire franchir. C'est pourquoi, si je suis Français, ce n'est pas par Rome que je le suis, mais par la Grèce…

Il a plu à Dieu de me donner un professeur de grec qui ne prétendait pas nous apprendre le thème mais nous faire travailler directement sur les textes avec le manuel du Révérend Père Fontoynont SJ, quelques grilles de désinences, l'alternance thématique, des notions de phonétique et de combinatoire, et surtout pas de grammaire. Cette méthode favorisait une certaine familiarité avec la langue des dieux, des archontes et des sycophantes, dans toute sa fraicheur melliflue. Elle a, las, coulé dans ma mémoire comme le sable au travers des doigts d'un enfant, mais c'était celui, miroitant et doré, du Pactole.

Il n'y a pas très longtemps, on entendait dire : "L'Algérie, c'est la France".

Si je vous dis : "la Grèce, c'est la France", il me semble que la seconde proposition est plus vraie que la première, encore que Camus a surement murmuré dans Noces à Tipasa  : "l'Algérie, c'est la Grèce".

Dans une de ses récentes lettres, Alexandre (le Grand bien entendu) ne m'écrivait-il pas :

"J'aime l'aube. Elle est le salut des dieux à l'humanité qui s'éveille. Elle est la fraction la plus rigoureuse, la plus épurée, la plus rationnelle du jour. Lavée des brumes, elle souligne du même trait sans épaisseur les collines, des extrémités du Péloponèse jusqu'aux confins de la Thrace.

 Vraiment, je la crois nôtre, non pas seulement parce qu'elle est la clarté mais parce qu'elle dissipe les enchantements maléfiques et les incertitudes de la nuit. Loin de la noire ubris, née de l'obscurité, sa lumière précise borne le monde, cerne les êtres et les choses comme la seule mesure concevable de l'univers. Ce qui, sans elle, ne serait qu'un amas confus d'impressions, se situe, s'ordonne et se hiérarchise, du proche au lointain, de l'infime à l'immense. Si nous ne l'avons jamais dit, nous, Grecs, nous considérons nos yeux comme les plus précieux des instruments dont nous ont doté les dieux et comme les plus sûrs des auxiliaires de la raison."

Et, de fait, je me rappelais cette nuit où, à l'insu de tous, nous avions tous deux galopé comme des fous jusqu'au Cap Sounion, rien que pour voir le soleil se lever sur la mer.

Ce matin là, dans son amour de la lumière, il m'avait paru bien Français aussi, mon pote Alexandre !

Ce n'est pas que je sois insensible à l'obscure clarté, au silence éternel des espaces infinis, aux chants des Floridiennes dans les nuits du Meschacebé, ou même à la faucille du moissonneur de l'éternel été, mais franchement, si j'avais à désigner le plus français des tableaux du Louvre, je choisirais justement celui de Poussin peint en plein midi, roi des étés, quand Booz, clignant des yeux au grand soleil, aperçut Ruth penchée sur les épis... D'ailleurs vit-on céréales plus plantureuses que celles de Poussin ? D'évidence, les blés de Booz sont ceux de Beauce…

Et puisque nous parlons de la Bible, me reprocherez-vous de l'avoir oubliée dans les racines de la France ?

Me tromperais-je en avançant que le Nouveau Testament nous a plus marqué que l'Ancien, à la différence des Allemands ou des Anglo-saxons ?

Ce n'est pas vrai, certes des Suisses francophones, je veux dire des Calvinistes.

Le bon roi Henri ne me démentirait peut-être pas, lui pour qui Paris valait bien une messe.

Donc, pour en revenir au sujet, c'est incontestablement Jésus qui est Français, pas Dieu le Père.

Donc, il l'est par sa mère. La floraison gothique des Notre-Dame, de Noyon à Beauvais, le prouve surabondamment. N'y a-t-il pas au fait quelque chose de la furia francese dans cette espèce de crânerie des chanoines et des évêques à vouloir chacun pousser sa cathédrale plus haut que celle du voisin ? Nous avons un certain goût pour les records sans lendemain… Dieu me garde de comparer Beauvais au Concorde ou au France

Toujours sur le chapitre de la religion, il y a, je pense, une ligne française, humble et lumineuse, une intelligence du cœur, qui peut-être d'origine franciscaine, chemine du haut Moyen-Âge à l'abbé Pierre, en passant par Jean du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, la mère Angélique, Vincent de Paul, Fénelon, Charles de Foucauld, et d'autres que j'oublie, avec des milliers de nuances bien sûr.

Cela est très loin de Richelieu ou de Bossuet qui, exceptionnels, me paraissent au total moins représentatifs et aussi plus durs…

Pour l'histoire, deux cathédrales ont retenu mon attention : la romane, celle de Bayeux, dont la pierre si blanche fait oublier qu'elle a été inaugurée par Guillaume le conquérant et reprise par de Gaulle… et la gothique, celle de Laon, avec ses bœufs dominant ses tours ajourées. Pour l'art, il n'est pas interdit de préférer Chartres ou Amiens, Reims ou Paris, voire Albi.

Mais si l'aventure romane est paneuropéenne, la conquête de la lumière par la croisée d'ogives et l'arc&endash;boutant, mariant l'élégance et l'économie, est purement le fait de la France. L'élan architectural et mystique s'y marient dans la pierre et les vitraux dans une réussite qui fut unique et éblouit toute l'Europe.

Pour les abbayes, curieusement les miennes sont romanes :  Conques, Montmajour et je ne cesserai jamais de pleurer sur Cluny…C'est toujours la lumière que je vois au travers de leurs verrières ou, comme à Montmajour, les grandes fenêtres ruinées du XVIIe siècle s'ouvrant sur le ciel. J'allais oublier Verdun, méconnue, ottonienne à deux chœurs, dont les obus allemands ont rouvert un portail roman noyé dans la muraille et qui eut jusqu'à sept tours dans le temps de sa splendeur…Ma Meuse est la vôtre, et réciproquement.

Je divague comme un fleuve ivre dans une plaine trop large et je ne sais plus par quoi continuer.

Alors, des églises, puis-je glisser aux sites et à l'architecture?

À quelques encablures de Fontevrauld, je voudrais vous livrer le secret d'un des plus beaux paysages et qui, selon moi, symbolise la France. Il est peu connu mais il occupe une très grande place dans mes fantasmes architecturaux. Il est une quintessence du Val-de-Loire, lui-même quintessence de la France : du Bellay ne l'aurait pas renié.

Au confluent avec la Vienne qui bouscule le fleuve vers l'ouest-nord-ouest, un ravissant village d'ardoise fine, niché au ras de l'eau et des plantes aquatiques : Candes-Saint-Martin,  dresse un promontoire de tuffeau qui, sur une bonne dizaine de kilomètres de profondeur, commande en amont la vue sur l'axe de la Loire. Ce n'est pas grandiose, c'est sublime de mesure et d'équilibre ! J'aurais voulu y construire un logis Renaissance et y édifier un grand bassin à débordement en forme de canal, prolongeant directement le fleuve sur la colline et le faisant ainsi rentrer dans la maison…Les hirondelles du matin qui glissent sur le fleuve s'y méprendraient.  Quel joli centre de colloques pour le CILF !

Des paysages, vous pensez bien que j'en ai l'embarras du choix.

Mais laissez-moi un mot sur la Provence.

J'ai beaucoup regardé le pays. Sa géographie physique n'a finalement rien d'exceptionnel mais il existe, surtout dans le Vaucluse, une incomparable qualité de lumière transfixiante. Ailleurs, les oliviers seraient asthmatiques, les cyprès sépulcraux, les peupliers des balayettes ! Là, ils sont vêtus d'élégance et de grâce. Comprenne qui pourra, mais c'est ainsi…

La démonstration sera faite un matin très tôt du haut de l'éperon de Venasque. D'abord, pour vous égarer, je vous mènerai sur le plateau parmi les lambrusques, les pins d'Alep et les chênes verts. Un essaim voletant de papillons se lèvera sous vos pas ; vous piétinerez les lavandes. Puis, je vous ferai plonger dans l'ombre d'une combe. Au son de l'angélus, gravissant le rocher, vous serez revivifié par la lumière du baptistère qu'un évêque oublié du cinquième siècle édifia. Je ferai comparaitre le Ventoux et les Dentelles de Montmirail, vous aurez à vos pieds Beaumes-de-Venise, Notre-Dame d'Aubune et le château du Barroux…

Notez que je n'ai parlé ni de muscat, ni de tapenade. Vous en aurez assez dans les yeux pour ne pas penser à la langue…

Pourtant, il est bien français de parler de mangeaille. Récemment, faisant une semaine de marche avec trois amis, dans le Haut-Atlas, essayant de m'imbiber du pays, si différent de notre univers, j'ai eu la surprise de constater que mes compagnons consacraient plus de 35% de leur temps à parler de cuisine et de vin.

Ma France n'est pas celle-là.

Je pourrais encore vous accabler de paysages qui sont, chacun, à lui tout seul, la France.

Permettez-moi le parc du Château de Courances, près de Milly-la-Forêt. J'oserai dire qu'il est le plus racinien de nos paysages, je veux dire le plus épuré. Là, pas de tape-à-l'œil comme chez ces parvenus de Vaux-le-Vicomte ou de Versailles. Un grand axe de pelouse avec un simple et grand miroir, un bassin circulaire, l'eau qui affleure directement au ras de l'herbe sans même la transition d'une margelle, des haies de buis taillés que dominent les frondaisons, une géométrie rigoureuse dont la nature seule fait l'architecture et, un peu à l'écart, cachées sous les ramures horizontales des hêtres, des cascatelles dont la lame d'eau silencieuse et limpide s'écoule de nappe en nappe sous la garde de loups de pierre. C'est vraiment très chic.

Pourrais-je éviter de parler de la vallée de la Dordogne ?

En 1971, commençant la rédaction du premier vocabulaire de l'environnement du monde &endash; oh ! ce n'est pas un exploit -, j'avais demandé à Philippe Rossillon de me trouver un bel endroit de France pour faire travailler notre groupe. Sur sa suggestion, M. Grosso, propriétaire du château de Beynac mit gracieusement à notre disposition deux salons du XVIIe siècle dominant la rivière d'une centaine de mètres. Qu'on se figure les tours émergeant de la brume du matin, la paisible vallée plantée de grands peupliers, les toits de tuiles plates du village, les jardinets fleuris au pied de la falaise, et jusqu'au lavoir rustique adossé à un monument aux morts peint d'une épitaphe que n'aurait pas renié Léonidas aux Thermopyles, tout le charme du Périgord noir était là. Ce qui en fait la beauté est la merveilleuse répartition des rivières, champs, bois, ruisseaux, prés, moulins, manoirs ; la plus modeste chaumière y est aussi belle que le plus beau château, parce qu'elle est joliment proportionnée, juste à sa place, faite des mêmes matériaux, toute en mesure, toute de mesure, de mesure humaine, au fond celle de Montaigne…

Si la France est une capitale des paysages, ce n'est pas parce qu'elle offre les plus majestueux, les plus grandioses, mais parce que sur un territoire somme toute réduit, elle offre un nombre considérable de petits pays variés qui ont su, chacun, conserver leur charme et leur originalité en dépit des agressions du modernisme, du commerce et des industries.

Alors, encore une image ?  Et j'en aurai, à regret, fini.

Dans les Pyrénées orientales, sur la rive droite de la Tet, en aval de Prades, non loin de Saint-Michel-de-Cuxa, en plein pays catalan, sur une dizaine de kilomètres tout au plus, s'élèvent des terrasses alluviales qui dominent la rivière mais jouissent aussi d'une vue imprenable sur un Canigou enneigé, très façon Sierra Nevada. Il y a des droits d'eau et des séguias.

Au milieu des floraisons de pêchers et d'abricotiers, on aurait bien envie de donner une sœur catalane à l'Alhambra…dans l'intimité des patios et la fraicheur des belvédères.

J'ai parlé à Courances de paysage racinien. Est-il plus facile de faire comprendre ce que serait, ou est, une architecture racinienne ?

Je serais tenté de vous entrainer à Marseille, à la Vieille Charité plus précisément. Dans une vaste cour à deux rangs superposés d'arcades, comme celle des Invalides, une chapelle de Puget au plan en forme de mandorle éblouit par sa simplicité : le jour n'est pas plus pur…

Mais il y a mieux encore je crois. Bien sûr, c'est en Lorraine. Si vous n'avez pas traversé tous les jours de votre enfance la place Stanislas et la Carrière de Nancy où habitait ma grand-mère, si vous n'avez pas vu le soleil du soir dorer, non pas les grilles, mais chacun des carreaux des fenêtres de l'Hôtel de ville, vous n'aurez pas l'intuition de ce qu'est l'aristocratie dans l'architecture. Ajoutez que des trois grands ensembles architecturaux français du XVIIIe siècle, les deux autres, ceux de Nantes et de Bordeaux, ont été bâtis avec l'argent de la traite des Noirs : ce ne fut pas le cas du nôtre. Nous avions renoncé à ce commerce depuis le onzième siècle et du reste, c'est dans la banlieue de Verdun que nous le faisions…

Dieu nous l'a fait payer avec usure.

J'ai peu parlé de la Bourgogne où vous avez des attaches. C'est que je suis peu familier des grands vins et de la cuisine de ce pays mais c'est surtout la faute à… Charles le Téméraire. Un des plus grands gâcheurs de l'histoire, vous en savez quelque chose, vous les Wallons. Mais c'est bien moi qui lui ai fendu la tête d'un coup de pertuisane et qui l'ai fait dévorer par mes loups. Je ne passe jamais sans une certaine satisfaction dans la grand'rue de Nancy pour voir le rectangle pavé, marqué de la date 1477, où son corps fut exposé au lendemain de la bataille. Les Lorrains bénéficient d'une bulle papale qui les autorise à sauter la phrase du Notre-Père enjoignant de pardonner à ses ennemis. Vous n'imaginez pas combien cela rend la religion attrayante… C'est aussi pourquoi nous avons notre église à Rome, Saint-Nicolas-des-Lorrains, construite en travertin des ruines du Circus maximus tout proche, bâtie en 1636, date précise à laquelle la bonne ville de Verdun, toujours elle, ouvrait son marché de chair humaine pour cause de guerre de Trente Ans.

J'ai beaucoup trainé en chemin, car j'hésitais à aborder un domaine que vous connaissez mieux que moi, je veux dire celui de la littérature. Comment oser dire qu'un écrivain, qu'une œuvre sont plus français qu'un ou qu'une autre ? Cela relève pratiquement du procès d'intention. Pourrais-je ainsi affirmer que le Suisse Jean-Jacques est plus français que l'Ardennais Arthur ? Y-aurait-il un critère objectif pour dire ce qui est français dans la littérature française et ce qui ne l'est pas ou l'est moins ? Assurément pas. Là, je crains, tout est subjectif.

Mais je me lance quand même, ces précautions prises.

Deux spécialités seraient plus françaises, dis-je, en avançant sur la pointe des pieds : les maximes et le roman.

Un seul nom, très au-dessus des autres pour chacun des deux genres :  La Rochefoucauld, si l'on admet maintenant qu'il a largement collaboré à la rédaction de La Princesse de Clèves. Aucun roman, à mon humble avis, n'a atteint la justesse d'analyse de la Princesse… Quant aux Réflexions ou Sentences et maximes morales, j'ose affirmer que le sommet de la littérature française est cette simple phrase :

"L'absence diminue les médiocres passions et augmente les grandes, comme le vent éteint une bougie et allume le feu."

Quand j'avais dix-sept ans, j'aurais tout donné pour La Chartreuse de Parme.. Quand je la relis aujourd'hui, j'ai peine à retrouver ce qui m'avait tant plu… Et pour De l'amour, franchement, c'est un ramassis de recettes d'arrière-cuisine qui ne vaut pas, et de loin, Le collier de la tourterelle de l'andalou Ibn Hazm pourtant écrit en 1027.

Très français aussi Zadig, n'est-ce pas ? Quoique que je ne sympathise pas beaucoup avec Voltaire. Musset et Verlaine, étrange couple qui ne fut pas celui de l'Histoire. Archifrançais aussi, je pense, Mérimée. Enfin, je ne peux oublier l'extraterrestre, l'Icare de la poésie française, l'archange plumé, Rimbaud, aussi miraculeux dans son genre que Jeanne d'Arc dans le sien…, et pour finir, Radiguet et Boris Vian…

Il est tellement difficile de dire qui est plus français que d'autres :  on risquerait, très injustement, d'éliminer Corneille, Bossuet, Chateaubriand, Malraux, Camus  et quelques autres, au premier rang desquels La Fontaine.

Mais qu'est-ce donc qui est si français chez la Fontaine ? Peut-être une certaine façon de parler légèrement des choses sérieuses, une morale tout humaine, une façon de corriger sans illusions les mœurs par le sourire, une alacrité de la plume et du ton ?

J'allais oublier Barrès, mais il est vrai qu'il est Lorrain, peut-être un peu espagnol, vénitien, syrien sur les bords ?

Enfin, un tout petit peu en marge de la littérature traditionnelle, je voudrais dire un mot de Montesquieu.

Quand je suis parti faire mon service militaire avec, en poche, les Mémoires du Cardinal de Retz, les Lettres de Mme de Sévigné, et les Mémoires de Saint-Simon, j'ai eu la chance qu'un ami de mon âge m'a offert L'Esprit des lois. Sur les pitons d'Algérie, vous ne pourrez savoir, entre les deux guerres que j'étais obligé de faire aux armées algérienne et française pour protéger « ma » population, combien  la raison et la droiture de Montesquieu m'ont été utiles quand tout était tordu autour de moi. Il m'a peut-être aidé à garder les mains propres.

Là-bas, là-bas dans la montagne, comme le chante Carmen, je puis vous assurer qu'il n'était pas du tout indifférent d'avoir une idée de la France et de tenter, chaque matin, de l'incarner.

Pour tous, écrivains, philosophes, hommes politiques, prédicateurs, poètes, si divers, il est beaucoup plus difficile de les faire rentrer dans la "boîte" France, (comme ce Guillaume le conquérant, devenu obèse dans son grand âge et qui, tombé de son cheval non loin de La Bûcherie, cousu dans une peau de bœuf à la mode normande, ne voulait pas rentrer dans sa bière et explosa de façon très nauséabonde quand on l'y força), que de montrer qu'ils en sortent…Je veux dire qu'ils échappent à la catégorisation mais que leur francité s'impose hors de toute analyse.

Il faut tout mon parti pris et toute ma mauvaise foi pour appuyer mes divagations, mais, avec les yeux de mon cœur, comme dit le renard de Saint-Exupéry, je vois !

Alors pour faire une nouvelle tentative afin d'éclairer ce qui serait représentatif de la France, je voudrais vous proposer de remplir un "loft" littéraire puisque c'est la mode.

Du côté des filles, choisissons, si vous le voulez bien, une bonne espagnole du XVIe arrondissement, Chimène, une aristocrate, Madame de Clèves, une étudiante italienne, Corinne, une dame sur le retour, "la fille de Minos et de Pasiphaé", une pasionaria, Mathilde de la Mole, une mère de famille, Andromaque, une femme au foyer, Mme Jourdain, une pure parmi les pures, Antigone (celle d'Anouilh), trois garces (j'aurais pu en trouver davantage !), Célimène, Colomba et Carmen.

Et du côté des garçons, un carreleur parmesan, Fabrice, un immigré clandestin, Zadig,, un petit Saint-Cyrien, d'Artagnan, un domestique, Ruy Blas, un coiffeur, Figaro, un chômeur breton, René (ce n'est pas l'effet du hasard si aucun n'a ses quatre grands-parents parisiens), un gamin des rues, Gavroche, un râleur, Alceste…sans oublier le Chat botté.

Oh ! là là ! Que d'amours splendides…

Croyez-moi. Cela chaufferait.

Y-a-t-il une façon française d'être militaire ?

Vous allez m'accuser de pousser le bouchon un peu loin.

Pourtant, je ne crois pas qu'on trouve dans d'autres nations des figures comparables. D'abord notre plus grand homme de guerre est une très jeune fille (Ô Descartes… avec la féminisation, on devrait dire notre plus grande homme de guerre). Cette Jeanne d'Arc, en coquetterie avec les autorités constituées, c'est tout de même elle que nous avons faite patronne de la France, puis Condé et Turenne, Galliéni, Lyautey, de Gaulle, Leclerc, observez que ce sont tous des militaires qui désobéissent en tant que de besoin…Kellermann à Valmy, Desaix à Marengo, Bonaparte, s'il avait été tué au pont d'Arcole, nous exigeons de nos soldats de la lumière…Même des poilus  Fournier, Péguy ou Pergaud.

J'ai dit lumière. Il me semble que c'est le fil que j'aurai suivi pour vous parler de la France, et même au pluriel : les Lumières.

La croyance en la puissance de la raison, qui parait déjà chez Montaigne et Rabelais, s'épanouit chez Descartes et sous-tend l'argumentaire des orateurs sacrés du XVIIe et de tous les philosophes français du XVIIIe siècle jusqu'à ce que Rousseau lui substitue la logique du sentiment, n'est-ce pas une des caractéristiques de la France ? Beaucoup plus encore que l'Aufklärung n'est celle des Allemands rapidement transformée par le piétisme et le Sturm und Drang ? En pleine Révolution, alors et peut-être parce qu'ils ont complètement perdu la tête, les Français vont faire de la Raison…une déesse !

D'une façon générale, on reconnait un Français à ce qu'il invoque la raison pour déraisonner.

Et pourtant, L'Encyclopédie n'est-elle pas le plus grand monument jamais édifié à la raison? 

Certains l'ont rêvée. Nous l'avons faite…

Je confesse que mes affirmations présentes sont peut-être davantage fondées sur une foi, sur une croyance, que sur des certitudes et que ma recherche de ce qui serait l'esprit de la France n'est à près tout qu'un écrémage circonstanciel, que j'attrape au vol des personnages, des idées et des images pour les faire tournoyer dans un kaléidoscope qui n'a de cohérence que mon regard, que je ferais de l'impressionnisme en quelque sorte…

Eh oui, l'Impressionnisme est d'abord et avant tout français. Ce n'est pas la peine de le démontrer, même s'il faut rendre à Turner et à Whistler ce qui leur est dû. Tout à l'heure, fasciné par Poussin, j'avais tendance à lui donner une sorte de monopole de représentativité de la France. Quod scripsi, scripsi, mais je dois convenir qu'il y a en peinture française, une autre ligne qui est au reste proche de celle des religieux que j'ai cités, celle de la lumière intérieure,  et qui va de Philippe de Champaigne, flamand annexé, et des frères Le Nain à Chardin et qui ressurgira, toujours selon moi, chez Corot, grand-père des Impressionnistes. Alors, Cézanne, Manet, Monet, Bazille, Morizot, Degas, Sisley, Pissaro n'iront pas chercher la lumière telle qu'elle tombe des cieux dans les grandes machines historiques ou bibliques mais, comme leurs devanciers du XVIIe siècle, dans les reflets qu'elle arrache aux cuivres, aux pies, aux coquelicots, à la neige, aux tutus des danseuses, aux objets de la vie quotidienne.

Pointilliste, impressionniste ou ce qu'on voudra, je l'aurai été dans ces quelques pages, plus soucieux encore d'affirmer que de prouver. Beaucoup trop subjectif, beaucoup plus subjugué qu'objectif.

J'ai gardé la musique pour la fin… En effet ce n'est pas une spécialité qu'on considère comme très française, face aux Mozart, Bach, Beethoven et autres qui occupent le devant de la scène. J'aurais pourtant tort de l'omettre.

N'y a-t-il pas en effet une veine de musique très française qui coule, je crois, par Rameau, Couperin, peut&endash;être une moitié de Chopin, puis Bizet, Debussy, Ravel, Satie et Milhaud, pour finir, si j'ose ainsi m'aventurer, par Boulez.

Il est très téméraire de vouloir tout catégoriser et de jivariser ce qui est infiniment plus complexe, mais si les Autrichiens et les Allemands ont peut-être consacré le plus sublime de leur musique à la prière, les Anglais aux solennités royales, les Italiens à la passion et à l'amour, il me semble que les Français ont, dans ce domaine, fait œuvre originale de physiciens en décomposant en quelque sorte la musique en ses particules les plus élémentaires pour ensuite la transmuter, non pas en or, mais en quelque chose de beaucoup plus fluide, ténu, impalpable, en myriades de gouttelettes d'eau et de lumière, en sources et reflets, ruisselets et miroirs, cascatelles et arcs&endash;en-ciel.

Et cette eau et cette lumière nous ramènent encore au grand dessein de Versailles, où le Conseil international de la langue française a tenu sa première assemblée générale en octobre 1968.

Il me semble cependant que mon tableau manquerait singulièrement de force si je ne disais pas que l'esprit de la France est d'abord dans sa devise. Elle n'a rien perdu de sa force et de sa nouveauté dans la mesure où nous l'avons, hélas, bien peu pratiquée au cours de l'Histoire.

Mais je suis certain qu'aucun Français ne la remet en cause et que même des gens qui lui tournent le dos dans leur vie de chaque jour, comme certains communistes ou membres du Front National, croient encore y adhérer, tout en en faisant une lecture perverse. Dans leurs délires les plus criminels, ils n'oseraient pas la renier.

Dans un article pénétrant, Jacqueline Picoche montre excellemment que le mot fraternité est un peu tardif dans la devise : il est venu, pourrait-on dire, comme le Paraclet, compléter ce que les seules liberté et égalité avaient d'un peu sec… Notre amie note que la notion de fraternité, mais pas le mot, n'apparait pour la première fois que dans la Charte octroyée de Louis XVIII en 1814, ce qu'on aurait plutôt attendu d'un régime républicain, et qu'il faut attendre 1848 pour que le terme figure expressément dans la Constitution.

En effet, si j'en crois le numéro spécial du Français moderne publié pour le deuxième centenaire de la Révolution française, dans le texte de Barrère du 8 pluviose an II sur la langue fraçaise et l'usage des dialectes, il est fait mention de "l'accent vigoureux de la liberté et de l'égalité" sans que la fraternité soit évoquée. Quant au mot frère, on le rencontre parfois, notamment chez un jacobin, Sylvain Maréchal, sous la forme : "Mais aujourd'hui que nous sommes tous égaux, tous frères, parlons-nous avec franchise et décence" ou bien sûr dans l'expression "frères d'armes", mais il n'est pas davantage question de fraternité.

J'en tirerais bien pour ma part la conclusion que notre devise s'est peu à peu perfectionnée, et donc qu'elle est encore perfectible. Aussi suggèrerais-je aux législateurs de rajouter à nos trois mots : "pour de vrai" lors de la prochaine réforme de la constitution.

Récemment, peut-être pour éviter ce que la devise a de solennel et de sacré, ils en ont fait un modèle réduit, réduit aux trois couleurs du drapeau : black-blanc-beur. Qu'elle ait surgi à l'occasion d'une coupe du monde de foute-balle, bousculant le racisme ordinaire, cette unanimité, trouvée dans un moment trop rare de communion et d'exaltation national(iste), n'empêche pas que je me retrouve asez bien en elle…

Il y a en effet chez les Français un côté messianique qui exaspère les étrangers et les irrite d'autant plus que les donneurs de leçons ne se les appliquent pas à eux-mêmes. Nous sommes aussi persuadés que les Américains que notre modèle est le bon : "la frog way of life" en quelque sorte…

Et nous, qui avons été appelés "la fille ainée de l'Église", nous ne considérons pas seulement la France comme "mère des arts, des armes et des lois", mais comme mère de la liberté, lorsque nous offrons aux États-Unis la statue qui orne l'entrée du port de New-York. Il y a un peu de condescendance dans ce cadeau, comme dans la remise à M. Bush par M. Chirac, le 6 juin 2004, d'un exemplaire de La démocratie en Amérique de Tocqueville : "Lis donc ça, mon vieux, cela pourrait t'apprendre des choses sur ton propre pays"…

S'il y a maintenant longtemps que nous ne faisons plus de rivarolisme linguistique, si nous ne prétendons plus imposer aux nations notre langue comme langue universelle, nous croyons encore que la devise de la République a une valeur d'universalité. A la condition bien sûr de ne pas privilégier un des termes au détriment des deux autres. Ce serait trop facile : les Américains offrent liberté et égalité sans fraternité, les Russes de Staline prétendaient donner égalité et fraternité sans liberté

Assurément, nous ne sommes pas meilleurs que les autres et notre histoire comporte, hélas, un certain nombre d'épisodes honteux mais il est certain que notre devise nous confère des obligations que les autres peuples n'ont pas…

La francophonie ne serait-elle pas le premier des champs d'application de cette devise ? Il me semble que nous ne serions pas au chômage si nous décidions de la mettre en œuvre dans nos relations avec tous les peuples du monde francophone…

Cela va beaucoup plus loin que notre travail sur les mots ou sur l'expression. Mais sur le long terme, on ne peut laisser évoluer le discours et les actes sans mettre entre eux un minimum de convergence. Il est peut-être plus facile de laisser s'établir une langue de bois conforme à la courte vue d'une politique qui n'est plus une action au service d'une pensée, mais il me parait que ce serait conforme à l'esprit de la France que de repenser la francophonie et de traduire dans la dure réalité cette pensée. Le poids des mots, le choc des actes.

 

Cher Président, je ne sais pas si j'ai réussi à faire percevoir comment je vois la France depuis les confins de la Lorraine et du Barrois. J'ai tenté d'en saisir quelques-uns des aspects qui me paraissent relever de son essence mais je reconnais que j'ai peut-être, à ma façon, idéalisé la belle…

Dans ses contradictions, elle est en fait très insaisissable et si je me suis appliqué à l'exercice, c'est peut-être un peu par dépit qu'elle ne soit pas conforme à mes rêves. Il y a, selon le sujet de dissertation bateau, la France peinte comme elle est, celle de Racine, et la France, comme elle devrait être, celle de Corneille. Au rebours de mes gouts littéraires, mes gouts religieux, car il s'agit presque de religion, me portent vers la France de Corneille, telle qu'elle devrait être.

Lorsque vos amis m'ont demandé cette contribution dans un domaine où mes compétences sont des plus limitées, j'ai reconnu que "Le soleil, ni la linguistique, ne se peuvent regarder en face".

Alors j'ai fait comme ce laquais qui allait être roué, dont parle La Rochefoucauld dans sa très belle page sur la mort : pour éviter de la voir, il a concentré son attention sur ce qu'il savait faire et il a dansé.

Cher Président, moi qui ne sais pas danser, que pouvais-je faire ? J'ai donc gratté, comme je l'avais fait sur la face nord des ambassades, dans les bureaux de la République, et comme j'ai continué à le faire dans notre commune entreprise. En pensant à vous et à tout ce qui nous rapproche, pour la vitalité de notre langue et de la francophonie. Dois-je avouer que j'ai pris quelque plaisir à cette transgression que Pascal aurait sans doute appelé un divertissement?

DECRYPTAGE DES CITATIONS ET ALLUSIONS DU TEXTE

« Comment peut-on être français ? »

Les Lettres persanes de Montesquieu (1689-1755) posent la question faussement naïve « Comment peut-on être persan ? » mais en réalité, au travers des lettres qu’adresse de Paris un Persan à son ami demeuré à Ispahan, c’est aux contradictions et aux incohérences de la société française que s’attaque Montesquieu, et en particulier à la mode, à la religion et à l’absolutisme. Dans l’esprit des philosophes des Lumières, en raison d’une erreur commode de perspective, la Perse du XVIIIe siècle jouissait d’une flatteuse réputation de tolérance parfaitement injustifiée.

Françoise d’Aubigné

Il s’agit de Mme de Maintenon que Louis XIV avait épousée secrètement en 1686, trois ans après la mort de la reine. Orpheline protestante, elle avait été convertie au catholicisme dans son enfance. Elle était la nièce de l’écrivain calviniste Agrippa d’Aubigné (1552-1630). Veuve du poète Scarron, elle avait connu la pauvreté puis avait élevé les enfants illégitimes de Louis XIV et de Mme de Montespan. On lui prête une influence dans la décision de Louis XIV de révoquer en 1685 l’Edit de Nantes par lequel le roi Henri IV, après sa conversion au catholicisme, avait accordé en 1598 aux Protestants la liberté de culte et des places de sûreté.

Mais on lui doit aussi d’avoir incité Jean Racine à produire deux de ses plus belles tragédies, Esther (1689) et Athalie (1691) pour les demoiselles du couvent de Saint-Cyr qu’elle avait fondée à quelques kilomètres de Versailles, en faveur de jeunes filles pauvres de la noblesse.

Obélix

L’un des deux personnages emblématiques de la série de bandes dessinées des aventures d’Astérix (Uderzo et Goscynni), tombé dans la potion magique lorsqu’il était petit, ce qui l’avait rendu invincible, refraichissement à la gauloise du mythe d’Hercule.

 

Lorrain indépendantiste

La longue histoire du duché de Lorraine commence au traité de Verdun (842) lorsque les trois petits-fils de Charlemagne se partagent son empire : ce qui deviendra la France à Charles–le-Chauve, la Germanie à Louis-le-Germanique et le reste, une longue bande de terre qui est aujourd’hui le grand axe nord-sud de l’Europe à Lothaire, d’où son nom de Lotharingie, le plus mal servi des trois car doté d’un territoire indéfendable. La région lorraine d’aujourd’hui correspond à peu près au duché de Haute Lorraine créé vers 960. Les ducs de Lorraine choisiront Nancy pour capitale, à l’écart des trois évéchés de Metz, Toul et Verdun dont le roi de France Henru II s’emparera en 1552. Au XVIIIe siècle un échange, aux termes duquel le duc de Lorraine acceptera la Toscane pour faire place à Stanislas Leszczynski roi de Pologne détrôné mais gendre du roi de France Louis XV, permettra à la Lorraine de connaître une période de grande prospérité économique et artistique avant qu’elle ne soit rattachée à la France à la mort de Stanislas en 1766. Coupée en deux après la défaite de 1870, reconstituée en 1918, la Lorraine est une région dont la métropole est Metz mais la capitale du duché demeure à Nancy. Les Lorrains désirent leur indépendance pour pouvoir faire la conquête de l’Alsace et du reste de la France... Et ils prient Sainte-Jeanne-d’Arc pour qu’elle les aide... dans cette pieuse entreprise.


Belges

Jules César ne fait pas une distinction nette entre les tribus qu’il baptise de ce nom de Belges et qui se trouvent  de part et d’autre de la frontière entre la Belgique et la Lorraine actuelles mais auxquelles il reconnaît de grandes qualités de courage au combat.

 

maudits Français

Cette épithète peu aimable est donnée aux Français par les Québécois qui n’ont jamais accepté le traité de Paris de 1763 par lequel la France a cédé le Québec à l’Angleterre. Les Québécois se sont sentis trahis par la Monarchie et en particulier par le roi Louis XV. Ils n’ont jamais non plus pardonné à Voltaire d’avoir parlé de l’Amérique du nord française comme de « quelques arpents de neige ».

En 2008, le quatre-centième anniversaire de la fondation de la ville de Québec par Samuel Champlain est l’occasion de rappeler le célèbre cri du général de Gaulle du haut du balcon de l’hôtel de ville de Montréal : « Vive le Québec libre » qui a été ressenti par de nombreux québécois comme une dénonciation du traité de Paris et un encouragement aux aspirations des Québécois d’accéder à l’indépendance.

 

une certaine idée de la France

L’expression figure au début des Mémoires du général de Gaulle. Elle est souvent évoquée pour qualifier l’union quasi mystique qui existe pour de nombreux Français entre leur pays et ce qu’il voudraient qu’il soit, c’est-à-dire un Etat dont la devise serait pleinement mise en pratique tous les jours.


Meuse endormeuse

    • « Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance
    • Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.
    • Meuse adieu : j’ai déjà commencé ma partance
    • En des pays nouveaux où tu ne coules pas. »
    • Adieu à la Meuse

Tels sont les propos que Charles Péguy (1873-1914), tué dans les premiers jours de la première guerre mondiale, prête à Jeanne d’Arc au moment où elle quitte sa maison natale de Domrémy (qui existe toujours) dans le département des Vosges pour rejoindre à Chinon le dauphin Charles qui sera couronné à Reims sous le nom de Charles VII et qui fera chasser les Anglais de France après la bataille de Castillon en 1453.

 

coq gaulois

Emblème de la France, le coq gaulois l’est sans doute devenu en raison de la similitude étymologique en Gallia, la Gaule et gallus, le coq.


Braudel

Ferdinand Braudel, géographe et historien né en Lorraine (1902-1985) s’est beaucoup intéressé à la Méditerranée (il a consacré sa thèse à la Méditerranée sous Philippe II d’Espagne) mais il a surtout publié une étude très intéressante en trois volumes « L’identité culturelle de la France » qui donne des informations et des éclairages passionnants sur le passé de ce pays et aide à en comprendre les constantes.

le lys

Fleur héraldique des Capétiens, le lis est en réalité, comme je l’indique, un iris des marais.  Il avait été choisi par la première des dynasties des rois de France fondée par Hugues Capet en 987 et dont Saint-Denis-en-France était l’abbaye où étaient enterrés les princes et princesses de la famille jusqu’à la Révolution française.

cartésianisme

Dans l’usage courant la doctrine philosophique de René Descartes (1596-1650), connue par l’aphorisme « cogito, ergo sum »  (je pense, donc je suis), est censée donner aux Français le sens de la logique. On se réfère donc volontiers au cartésianisme pour dénoncer les actions des Français qui ne s’inspirent pas de la logique cartésienne.

Gaule chevelue

Si Jules César parle de Gaule chevelue pour désigner cette partie de la Gaule qui n’était pas la Province (conquise par Rome longtemps avant la bataille d’Alésia), on trouve aussi l’expression « trois Gaules » qui vise l’Aquitaine, La Belgique et la Celtique et s’étendait des Pyrénées au Rhin.

Il semble que l’expression Gaule chevelue se réfère aux forêts qui couvraient encore à cette époque la majeure partie du territoire et non aux cheveux des Gaulois...

Francs ripuaires

On oppose parfois les Francs ripuaires qui à l’époque de Jules César occupaient la rive droite du Rhin (en Allemagne aujourd’hui) et les Francs saliens qui étaient établis dans les Pays-bas d’aujourd’hui sur l’Ijsel. Ces pillards qui firent deux expéditions dévastatrices en Gaule romaine au IIIe siècle réussirent à pénétrer en Gaule après la mort d’Aetius (le vainqueur d’Attila aux Champs catalauniques près de Chalons-sur-Marne en 451) en 454. Les Francs ripuaires pénétreront dans la vallée de la Moselle avant de s’étendre en Flandre et en Franconie, alors que les Francs saliens ayant quitté la Flandre remonterons la vallée de l’Escaut puis dans la vallée de l’Oise en Picardie, la Haute Normandie et une partie de la Champagne.

Le premier chef mérovingien historique est Clodion qui fonde le royaume de Cambrai après 440. Les centres historiques de ces Francs saliens s’étendent de Tournai à Noyon avant de dominer « la France » autour de Saint-Denis et du moderne Roissy.

C’est Clovis, petit-fils de Mérovée (il a donné son nom à la dynastie) qui fera l’unité de la Gaule romaine après avoir battu les Wisigoths à Vouillé (tandis que les Francs ripuaires battaient quelques années plus tard les Alamans à Tolbiac) -noms de deux rues du 14e arrondissement de Paris  - et qui, par son alliance avec l’Eglise (baptème de Clovis à Reims par Saint-Rémy vers 496) favorisera la christianisation de la Gaule).

C’est évidemment aux Francs que l’on doit le nom de France : il désignera d’abord une région qui s’étend du nord de la Seine à Pontoise avant de désigner tout le pays uni par Clovis. Si le nom de France (Francia) apparait semble-t-il dans des chroniques dès le VIIIe siècle, le pays portant ce nom est délimité par le traité de Verdun (843).

 Nos ancêtres les Gaulois

On a beaucoup ri de l’inadaptation des manuels d’histoire (rédigés pour les enfants de la métropole).aux petits enfants des écoles de l’Afrique francophone, de Polynésie ou des Antilles qui répétaient la fameuse phrase « Nos ancêtres les Gaulois ». Mais il est vrai que tous les enfants d’immigrés en France ou bien les lointains descendants des Francs, des Wisigoths, des Burgondes ou des Sarrasins auraient pu se plaindre d’être ravalés au rang de Gaulois...

Non, ce n’est pas nous, immigrés d’il y a mille cinq cents ans, qui avons perdu la bataille d’Alésia livrée en 52 avant Jésus-Christ !!!

Et ce n’est pas nous non plus qui, en 71 après Jésus-Christ, avons choisi de faire cause commune avec les Romains contre les envahisseurs germaniques...

Les éléphants d’Annibal

Autrefois, quand on faisait du latin, la traduction du franchissement des Alpes par les armées et les éléphants du chef carthaginois Annibal dans Les commentaires de l’historien romain Tite Live figurait en bonne place dans les programmes des élèves de 4ème (13-14 ans).

Et nous étions enthousiastes pour accompagner « le chef borgne monté sur l’éléphant gétule », comme le dit le sonnet Après Cannes de José Maria de Heredia, au lac Trasimène, à Cannes et à Capoue et désolés de le voir battu par Scipion l’Africain à Zama en 202 avant JC

archontes et sycophantes

Les archontes étaient les principaux magistrats des grandes cités grecques de l’Antiquité et particulièrement d’Athènes.

Quant aux sycophantes, je ne résisterai pas au plaisir de vous révéler que le terme désigne les « délateurs de voleurs de figues » et que l’on dirait maintenant « sâle cafard » au lieu de sycophante.

Pactole

Le Pactole était un petit fleuve de Lydie, pays de la Turquie actuelle, voisin de la mer Egée dont la capitale était Sardes et dont le roi légendaire était Crésus (riche comme Crésus). En effet le Pactole avait la sympathique particularité de rouler des paillettes d’or, ce qui non seulement donnait de jolis reflets à ses eaux mais encore permettait d’enrichir le trésor royal...

L’Algérie c’est la France.

Cette affirmation audacieuse a correspondu, jusqu’à un certain point au moins, à la réalité politique de 1830 à 1962. Cette phrase a servi de refrain aux partisans d’une France qui était censée s’étendre « de Dunkerque à Tamanrasset ». Elle est parfois citée maintenant avec un peu de dérision, parfois de nostalgie... Du temps de la jeunessse d’Albert Camus, (1936-1938) personne n’aurait osé la mettre en doute... 

Noces à Tipasa

Peut-être le plus beau texte d’Albert Camus et l’un des tout premiers qu’il a publiés sinon le premier. C’est une ode à la Méditerranée, toute de poésie :

« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. »

Ces textes sont plus émouvants que ses grands succès littéraires : La Peste, L’Etranger, La Chute ou ses pièces de théâtre parmi lesquelles Caligula, mais il faut lire aussi Le Premier homme, livre tiré du manuscrit trouvé dans sa voiture lors de l’accident dans lequel il a trouvé la mort en 1960.

Alexandre Le Grand

On ne connait pas d’autre lettre d’Alexandre Le Grand que celle qu’il m’a écrite ? Je dis cela en toute modestie mais enfin, ce n’est pas rien...

Quant au Cap Sounion, c’est un promontoire rocheux situé à l’extrémité sud-est de l’Attique (région d’Athènes) sur lequel s’élevait un temple de Poséidon, dieu de la mer (le Neptune des Romains) et d’où l’on jouit d’une vue grandiose sur la Méditerranée.

Né en 356 et mort en 323 avant JC, le 18 daesios pour être précis, à Babylone qu’il avait choisie pour capitale de son empire, le grand conquérant peut être considéré soit comme un fou dangereux qui a causé la mort de milliers et peut-être de millions de personnes qui ont eu la malchance de se trouver sur sa trajectoire, soit comme un héros de roman qui a permis l’extension des idées de la Grèce jusque dans le bouddhisme et la fondation d’une culture asiatique influencée par l’hellénisme.

Floridiennes au bord du Meschacebé

Il importe peu que la Floride soit éloignée des bords de ce qu’on appelle aujourd’hui le Mississipi. Chateaubriand, à une époque où les limites géographiques de la Louisiane étaient assez imprécises, a su peindre dans son style inimitable la grandeur et la poésie des nuits d’une Amérique du Nord qui avait échappé au saccage et aux pollutions...

La faucille du moissonneur de l’éternel été

Dans Booz endormi, Victor Hugo décrit la pureté des nuits d’Orient et termine le poème par l’admirable image d’une « faucille d’or dans le champ des étoiles ».

Poussin

Nicolas Poussin, né aux Andelys en 1594 (dans la vallée de la Seine en amont de Rouen), mort à Rome en 1665, est peut-être le peintre français qui a été séduit le plus par Rome. Moins flamboyant que Claude le Lorrain, il a construit sa peinture sur la méditation, la raison et les Ecritures. Certains de ces tableaux les plus beaux sont de purs paysages de rêve et dépassent de beaucoup l’argument qui leur a donné naissance.

Midi, roi des étés

Midi, roi des étés, épandu sur la plaine

Tombe en nappes d’argent...

Nouveau Testament

Regroupant les textes des quatre évangiles, les Actes des apôtres, les Epîtres et l’Apocalypse, il constitue, avec l’Ancien Testament, l’ensemble des textes canoniques du christianisme.

Calvinistes
Groupe de protestants ayant adopté les positions de Jean Calvin (1509-1564) , théologien rigoureux et dont la clarté d’esprit a rallié un grand nombre de protestants français. Toutefois, après l’affaire des Placards (1534) qui mettait en cause l’autorité royale, il dut quitter la France et se réfugia à Genève dont il parvint à faire un des bastions de la religion réformée.

Le bon roi Henri

Il s’agit d’Henri IV (1553 -1610) qui était né protestant et qui ayant été désigné comme son héritier par Henri III lors de son assassinat, ne put devenir roi de France qu’en renonçant au protestantisme. On lui prête la parole suivante : « Paris vaut bien une messe »). Il avait assuré aux protestants la liberté de culte et des places fortes par le célèbre Edit de Nantes (1594) qui rétablit la paix religieuse dans le royaume.

De Noyon à Beauvais

C’est surtout au nord de Paris que l’art gothique a connu son plus grand développement avec sa floraison de grandes cathédrales. Si Noyon est l’une des premières, on considère en général que c’est le choeur de l’abbatiale de Saint-Denis, sous l’impulsion de l’abbé Suger qui marque le début du gothique et en fait un art typiquement français, à côté du gothique anglo-normand.

Jean Vergier du Hauranne

Si tous les personnages cités dans le paragraphe sont généralement bien connus, Jean Vergier du Hauranne est plus connu sous le nom d’abbé de Saint-Cyran. Il fut l’inspirateur du mouvement de Port Royal mais accusé de jansénisme, il fut emprisonné jusqu’à la mort de Richelieu et ne lui survécut qu’une année. Homme d’une grande rigueur et d’une grande exigence, il serait peut-être de nos jours traité avec plus de respect... 

Bayeux

La cathédrale de Bayeux construite en pierre très blanche paraît dater d’hier en dépit de son âge vénérable : La partie romane date du XI e siècle si la plus grande partie de l’église est du XIIIE siècle et de style gothique. En 1944, le discours de Bayeux prononcé par le général de Gaulle préfigurait ce que deviendront en 1958 les institutions de la cinquième République.

Conques, Cluny, Montmajour

Si Conques (en Aveyron) est une superbe église romane lumineuse, elle a surtout l’avantage d’être demeurée intacte dans un très beau village. Montmajour (à trois kilomètres d’Arles), malgré sa grandeur est en partie ruinée, au moins dans ses parties classiques. Quant à Cluny (Bourgogne), la destruction de la grande église Cluny III de 1798 à 1810 est sans doute le plus grand crime architectural contre l’art roman dont elle était le joyau.

Candes-Saint-Martin

Situé à côté de Montsoreau, village popularisé par le roman d’Alexandre Dumas, La dame de Montsoreau, Candes étage ses maisons des rives de la Loire à la colline. Certaines ont des caves creusées dans le tuffeau. Mais c’est du promontoire que l’on a une des plus belles vues sur le fleuve et, d’une certaine façon sur l’esprit de la France de la Renaissance quand les rois y avaient fait leur résidence et accueillaient Léonard de Vinci.

Venasque 

Village fortifié construit sur un éperon, abritant un baptistère du cinquième siècle fait de colonnes gallo-romaines récupérées, le village a donné son nom au Comtat venaissin et à Beaumes de Venise. Du haut du rocher, on a une des plus belles vues de la région en direction du nord, donc avec le soleil dans le dos et non dans les yeux...Il y a là, abrité contre le mur d’une placette, un des plus beaux lauriers blancs que j’ai jamais vus. L’église romane remaniée au XVIIe siècle abrite une statue de Saint Siffrein qui tient entre ses mains un étrange objet : un mors de fer doré qui aurait appartenu à l’empereur Constantin, aurait été fabriqué avec les clous de la croix du Christ ( !!!) et a été volé par un croisé dans le trésor de l’empereur de Byzance lors du sac de Constantinople en 1204... La fiction dépasse non seulement la réalité la plus extravagante mais c’est presque de la fiction au carré...

Courances

Situé à proximité de Milly-La-Forêt, au sud de la forêt de Fontainebleau, le château de Courances vaut surtout par son parc et ses eaux. Précédé de deux grands bassins dans les quels se reflètent de grands platanes, son parc se caractérise par l’abondance des eaux et par la simplicité de sa structure où les prairies viennent mourir en bordure des pièces d’eau et où les bordures forestières sont simplement jalonnées de buis taillés. Mais le plus original est sans doute l’ensemble formé par les nappes qui coulent silencieusement de bassin en bassin sous l’ombre des hêtres.avec, en perspective au fond de la trouée de lumière, un exèdre.

Vallée de la Dordogne

Sans doute la plus riante et la plus paisible partie de la France quand elle n’est pas envahie par les touristes ou ravagée par l’arrogance des Anglais. Il faut voir la rivière au pied des falaises de Beynac ou de La Roque-Gageac au mois de juin quand les renoncules flottantes déploient leur chevelure de fleurs blanches ondulant dans le courant et l’eau transparente.

Prades

Prades est célèbre par le festival que le violoncelliste Pablo Casals y avait créé pendant son exil volontaire durant la période du franquisme. Les deux vallées parallèles de la Tech et de la Tet de part et d’autre du Canigou présentent des terrasses alluviales plantées d’arbres fruitiers qui transfigurent le paysage au printemps. Les eaux sont abondantes canalisées en séguias comme en Andalousie et il existe encore de très beaux sites susceptibles de stimuler des interprétations catalanes de l’architecture mauresque....


La Vieille charité

Cet hospice construit à Marseille au XVIIe siècle et dont la cour a double rang d’arcades abrite une exceptionnelle chapelle de Puget était en très mauvais état et n’a que tardivement appelé l’intérêt des restaurateurs. J’y ai tenu en 1982 le premier congrès de l’Institut d’architecture méditerranéenne alors que seule la chapelle était déjà restaurée.


Nancy

La ville de Nancy s’enorgueillit d’avoir mis un terme aux folles équipées du dernier duc de Bourgogne, Charles le Téméraire mais sa véritable gloire est la réussite de son architecture rocaille et le mariage réussi entre le classicisme des bâtiments et l’exubérance de ses ferronneries rehaussées d’or dus pour les uns à l’architecte Emmanuel Héré et, pour les autres, à Jean Lamour  A comparer avec Dresde dont le gout baroque est beaucoup moins retenu.


Barrès

Maurice Barrèe, chantre nationaliste d’une Lorraine idéalisée dans sa colline de Sion-Vaudémont, lieu de pélerinages (La Colline inspirée), a aussi écrit sur l’Espagne (Du sang, de la volupté, de la mort) ainsi que sur l’Orient (Un jardin sur l’Oronte) mais sa popularité doit beaucoup aux positions qu’il a adoptées dès 1906 lorsqu’il a été élu député, en faveur d’un retour à la France de l’Alsace-Lorraine annexées depuis 1870 par l’Allemagne.

Chimène

Chimène, héroïne du Cid de Corneille (1636).

En vain contre le Cid un ministre se ligue (Richelieu)

Tout Paris pour Rodrigue a les yeux de Chimène. Boileau


Mme de Clèves

Héroïne du roman de Madame de La Fayette, La princesse de Clèves (1678), sans doute coécrit avec La Rochefoucauld, et qui reste à mes yeux, le plus beau roman d’amour de la littérature française.

Corinne

Héroïne du roman de Madame de Staël intitulé Corinne ou l’Italie (1807), qui est en fait le récit d’une aventure sentimentale en Italie mais aussi une très belle promenade dans ce pays et a rencontré, à l’époque préromantique un succès justifié.

La fille de Minos et de Pasiphaé

Il s’agit de l’héroïne de la pièce de Racine, Phèdre (1676), où l’aveu de l’amour de celle-ci pour son beau-fils Hippolyte provoquera l’enchainement des catastrophes de la tragédie.

Mathilde de la Mole

Héroïne passionnée du roman célèbre de Stendhal Le Rouge et le noir, amoureuse de Julien Sorel dont le tempérament mêle cynisme et romantisme.

Andromaque

L’amour maternel au service de la tragédie, ou bien la tragédie au service de l’amour maternel, première de la série des grandes pièces de Racine en 1666 : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui n’aime que son fils... C’est la théorie politique des dominos appliquée à la tragédie : chacun fait tomber le suivant.

Mme Jourdain

Une femme raisonnable chez un extravagant piqué de noblesse, Le Bourgeois gentilhomme. Mais elle ne pourra empêcher son snob de mari de se faire faire Mamamouchi dans un ballet burlesque très réussi où Molière a coopéré avec Lulli avant de se brouiller avec lui.

Antigone

Héroïne de Sophocle avant d’être celle d’Anouilh, toute sa personnalité se résume dans la phrase « Il y a des lois non écrites plus fortes que les lois humaines ». Dans la lutte entre le sacré et le pouvoir politique de Créon, elle perdra la vie mais au yeux de l’humanité, Créon sera, pour toujours, déshonoré. Le dialogue d’Antigone et de Créon peut être rapproché de celui de Jésus avec Pilate.

Célimène

Coquette aimée d’Alceste dans le Misanthrope de Molière préfère les flatteries et les ronds de jambe des petits marquis à l’amour sincère mais ombrageux d’Alceste.

Colomba et Carmen

Héroïnes des nouvelles de Prosper Mérimée, ce sont deux tempéraments de femmes fatales auxquelles l’écrivain a su donner une couleur locale au point d’en faire les archétypes de la femme corse et de la bohémienne.

Fabrice

Le héros stendhalien par excellence, tombé du ciel dans La Chartreuse de Parme, le plus innocent et le plus charmeur de tous les personnages de roman, le plus séduisant et le plus éloigné des contingences du monde...

Zadig

Héros du conte de Voltaire, aussi ingénu que son copain Fabrice mais avec en plus tout le charme oriental, dans un monde de brutes... Comme celui qui le précède, Fabrice, Zadig donne l’impression d’avoir traversé la vie sans laisser la trace de ses pieds dans la poussière que nous remuons quotidiennement...

d’Artagnan

Tout le monde connait le héros des Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, ne serait-ce qu’au travers des multiples versions cinématographiques du roman.

Ruy Blas

Le ver de terre amoureux d’une étoile, comme le dit Victor Hugo dans la pièce éponyme. 

Figaro

Toujours un espagnol mais cette fois sous la plume de Beaumarchais dans sa critique de la noblesse qui ne s’est donnée que la peine de naitre...

René

Il s’agit du héros du roman éponyme de François-René, vicomte de Chateaubriand, l’un des tous premiers textes du romantisme français où se perçoit l’ennui des enfants du siècle... qui caractérisera toute la période jusqu’en 1850 environ.

Gavroche

Le jeune héros des Misérables de Victor Hugo. Tué par les soldats pendant la Commune.

Je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire,

Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau...

Alceste

C’est le Misanthrope de Molière, l’homme aux rubans verts, qui aime Célimène, la coquette qui se joue de lui et lui préfère, les petits marquis et leurs cancans.

le Chat botté

Tout le monde reconnaîtra l’un des principaux personnages des Contes de Charles Perrault, celui dont le frère, architecte, Claude, a conçu la colonnade du Louvre, éclipsant le projet baroque qu’avait dessiné le célèbre Lorenzo Bernini.

« Oh la ! la ! Que d’amours splendides j’ai rêvées »

Extrait du sonnet de Rimbaud, Ma Bohème, l’un de ses premiers écrits qui atteste déjà sa capacité à renouveler l’écriture en rendant poétiques des termes pourtant triviaux...

La Raison... une déesse ?

Pendant la Révolution française, beaucoup d’églises furent désaffectées. Il y fut établi un culte vague rendu à l’« Etre suprême » ou parfois à la déesse raison. C’était plutôt déraisonnable à une époque où l’on ne croyait plus aux dieux ni en Dieu...

l’Encyclopédie.

Aujourd’hui encore, on est confondu par la performance de l’entreprise qui a réussi en 21 volumes de texte et 13 volumes de planches à faire la synthèse des connaissances du XVIIIe siècle et à en faire parfois un traitement critique, notamment pour les sciences sociales et humaines. Il aura fallu à Diderot et à d’Alembert, une extraordinaire constance pour mener à bien jusqu’à son terme une entreprise qui était plutôt mal perçue par le gouvernement royal. Les Wikipedia d’aujourd’hui ne sont que de la bibine à côté de ce monument à la pensée humaine.

Impressionnisme

Lorsque Claude Monet exposa son tableau représentant le soleil au travers du brouillard de Londres et intitulé « Impression soleil levant », un journaliste du Charivari fit une critique méchante de cette peinture innovante et déclara que cette manière de peindre n’était en effet que de l’Impressionisme. Le mot fit fortune. Il est resté pour dénommer l’école dont Monet, Manet, Sisley, Renoir et bien d’autres furent les illustres représentants.

 le Paraclet

Il est l’Esprit saint annoncé par Jésus pour compléter, avec le Père, la Trinité. De même, la fraternité dans la devise de la République française donne une valeur et un sens supplémentaire aux notions de liberté et d’égalité.

la France, fille ainée de l’Eglise

Cette épithète a été donnée à la France pour rappeler que par le baptême de Clovis en 488 ou 489, une alliance entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel avait été conclue pour la première fois depuis la conversion de l’empereur Constantin. les monarchies mérovingienne, carolingienne puis capétienne eurent le souci de maintenir cette « alliance du trône et de l’autel » que les Révolutionnaires de 1793 ou les anticléricaux de la troisième République qualifièrent d’« alliance du sabre et du goupillon » et qui ne prit fin qu’avec la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905.

L’expression citée par le pape Léon XIII en 1879 est qualifiée par lui d’ancienne.

France, mère des arts, des armes et des lois

L’expression est de Joachim du Bellay dans le célèbre sonnet sur la France publié en 1558 dans un recueil intitulé Les Regrets, où l’auteur compare Rome où il vient de séjourner et son pays natal. Ce sonnet fait écho à un autre de nature plus intimiste mais non moins célèbre : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage »...

Staue de l’entrée du port de New-York.

La célèbre statue qui figure sur toutes les images du port de New-York est due au sculpteur français Bartholdi. Elle a été offerte par la France aux Etats-Unis en 1886 pour le centenaire de la signature du traité de l’indépendance américaine qui avait été conclu au reste à Versailles dans la rue qui s’appelle désormais « Rue de l’indépendance américaine ».

Une réplique réduite de cette statue figure à la pointe aval de l’ile qui porte le pont de Grenelle sur la Seine à Paris.

Le soleil ni la linguistique ne se peuvent regarder en face.

Ceci est une paraphrase de la célèbre maxime de La Rochefoucauld : « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face » qu’on trouve dans l’édition de 1678 des Sentences et maximes morales, laquelle se termine par la page sur la mort à laquelle je fais allusion quelques lignes plus loin.  Tout le monde peut tirer profit de la lecture de ces maximes et les hommes politiques qui les ont lues et continuent à faire des erreurs sont aussi stupides que ceux qui veulent diriger un pays sans avoir lu Le Prince de Machiavel.

Face nord des ambassades

L’auteur fait une allusion personnelle au séjour qu’il a effectué de 1964 à 1968 à l’ambassade de France en Autriche et où il a gratté du papier huit heures par jour, sans avoir la certitude d’être lu à Paris...

divertissement

Le terme de Pascal doit être entendu en un sens beaucoup plus large que celui que nous lui donnons aujourd’hui. Pour Pascal, le divertissement est tout ce qui détourne l’Homme de la réflexion sur l’apparente absurdité du monde et la nécessité pour lui de faire un choix (celui de la foi) pour échapper à cette basurdité qui conduit au néant.