Hubert Joly


L’Union méditerranéenne

Hubert Joly


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L’Union méditerranéenne

 

C’est à dessein que j’emploie ce terme et non celui d’Union pour la Méditerranée.

En effet, la démission du Secrétaire général jordanien de cette dernière institution intergouvernementale le 26 janvier montre combien il est difficile de faire progresser un rapprochement entre des pays dont huit d’entre eux sont en conflit, sans parler des relations difficiles qu’on peut prévoir pour le couple Libye-Tunisie avec la Révolution du…cactus… (plutôt que l’appellation américaine de jasmin).

A vouloir commencer à bâtir une union d’Etats en imaginant que les conflits pourraient être mis entre parenthèses au profits des indéniables intérêts communs qu’on à développer les pays méditerranéens, on a commis une erreur psychologique. Il est clair que le conflit israélo-palestien empoisonne toute la zone et bouche toute perspective. Pis, à tort ou à raison, les opinions arabes considèrent que le projet d’Union n’a été lancé que pour faire une place à Israel. Imaginaire ou non, cette crainte est devenue le péché originel du projet et c’est la raison pour laquelle j’ai abandonné la notion d’Union pour la Méditerranée au profit d’un autre nom, celui d’Union méditerranéenne.

Les Etats n’étant plus partie à cette organisation,  une partie des crispations politiques, légitimes ou non, pourra être évitée, les individus pouvant faire preuve de davantage de souplesse et déterminer plus aisément les intérêts immédiats qu’ils ont à coopérer non pas à 25 mais éventuellement deux par deux ou quatre par quatre à l’intérieur d’un cadre relativement ouvert.

En particulier, l’Allemagne qui a voulu être partie à l’Union pour la Méditerranée avec seul objectif de la bloquer n’aurait, cette fois, pas voix au chapitre.

Il faudrait certainement renoncer aux très gros projets qui nécessitent des financements à la portée des seuls Etats.

Il est beaucoup plus important de poser les bases des coopérations futures en apprenant aux Méditerranéens du nord et du sud à se connaître enfin et à dissiper les méfiances réciproques.

Au Sud, le concubinat des pays européens avec des régimes dictatoriaux a engendré une légitime méfiance des peuples de l’Afrique du Nord et du monde arabe à l’endroit de la rive nord de la Méditerranée et ce ne… cactus sont pas les récentes déclarations des ministres qui vont arranger les choses.

Au Nord, tétanisés par la propagande des services, des Israéliens et des sociétés marchandes de sécurité qui leur fait voir de l’islamiste derrière tout arabe, les Européens continuent à voir le monde arabe à travers des lunettes fantasmatiques et, en réalité, ne le connaissent ni en général, ni en particulier, sauf sur quelques plages…

Il y a donc un gigantesque effort à accomplir et presque une tabula rasa, les 50 dernières années ayant été marquées par une énorme campagne permanente de désinformation au profit du seul Israël. On ne peut donc recommencer une œuvre de coopération qu’en s’appuyant sur des bonnes volontés individuelles qui s’agrègeraient peu à peu…. Et prouveraient le mouvement en marchant.

La proportion des Européens qui connaissent la langue arabe est ridiculement basse par rapport à l’intensité des échanges humains et commerciaux qu’ils entretiennent avec le monde arabe. Comment espérer comprendre des gens dont on ne connait pas la langue ?

On ferait mieux d’apprendre l’arabe de façon plus systématique dans le secondaire et le supérieur, plutôt que de vouloir apprendre l’anglais aux petits français à l’âge de trois ans, c’est-à-dire vouloir leur faire assimiler un système phonético-graphique différent du nôtre avant même qu’ils ne maitrisent celui du français. Nos dirigeants sont-ils tombés sur la tête ?

Eh bien, Mesdames, Messieurs, la réponse est : oui !!!

Depuis la décolonisation, on a laissé se creuser un terrifiant déficit de connaissance, de reconnaissance et de compréhension entre les deux rives de la Méditerranée, abandonnant les relations réciproques aux immigrés analphabètes, aux touristes et aux pétroliers (j’allais oublier les marchands d’armes). Dans le domaine de l’éducation et de la culture, presque rien à l’exception de quelques alibis.

Il faut donc prioritairement créer une université méditerranéenne privée, aussi dégagée que se peut des pressions et des ukazes politiques des gouvernements et centrer les sujets d’études sur la résolution des problèmes concrets des citoyens. Il faut qu’elle puisse offrir un cursus d’études non seulement diplômant mais aussi créateur d’emplois.

Aujourd’hui, il y a plus de chances qu’une Union méditerranéenne se fasse à partir de la base plutôt que par le haut en raison des positions politiques figées de nombreux Etats et des méfiances institutionnelles accumulées. C’est le jour où suffisamment de confiance aura été recréée que les Etats pourront à nouveau utilement intervenir pour accélérer la dynamique des efforts accomplis par les pionniers.

Nous sommes évidemment prêts à prendre notre part d’initiative pour un nouveau départ…