Hubert Joly


Pavillon de Galon

Jardin visité

Hubert JOLY


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Le Pavillon de Galon

 Situé dans le Vaucluse à environ un km de Cucuron, non loin de Lourmarin et d’Ansouis, Le Pavillon de Galon fait partie des « Jardins remarquables » de la Provence.

Edifié autour d’un pavillon de chasse du XVIIIe siècle dont la façade présente un curieux caractère hispanique avec les échancrures en quart de cercle de l’acrotère et fait penser à une mission mexicaine telle qu’on les voit dans les westerns, le domaine se déploie en quatre zones principales grossièrement disposées en croix autour du bâtiment.

Doté d’une oliveraie au nord du pavillon, laquelle est divisée en deux parties, à l’ouest, plantation en spirale et au nord est plantation en lignes, séparées par un bassin agrémenté d’un lavoir, le domaine compte aussi un verger d’arbres fruitiers rares comme le vrai pistachier ou des cognassiers de Chine

Toutefois, la partie la plus originale du jardin est constituée par un rectangle clos de murs situé au sud du pavillon et axé par rapport à lui.

Aménagé depuis 2004, ce jardin clos possède une structure pérenne à deux niveaux.

Le premier niveau est  une terrasse plantée de trois gros platanes taillés âgés d’environ 200 ans, d’un grand magnolia grandiflora et d’un beau houx panaché taillé en cloche. Un bassin rectangulaire à écoinçons occupe le centre de la terrasse qui est par ailleurs ornée de vermiculures de buis taillés approximativement à un mètre de haut.

Une sculpture moderne y est incluse.

Cette terrasse est indispensable pour permettre de dominer la seconde section du jardin qui, comme tous les jardins réguliers, doit être considérée d’un point de vue dominant.

Quelques marches plus bas, en effet, s’étend la partie du jardin la plus élaborée, formée d’un rectangle d’environ 80 m sur 40 orienté nord sud et ouvert par dessus les murs en direction des hauteurs de la Montagne Sainte Victoire.

Plus particulièrement visible en hiver, la structure pérenne de ce jardin est constituée d’une part par un bassin circulaire en pierre entouré de quatre quarts de cercle de buis taillés à 1m50 environ, de sorte que le regard puisse aller au-delà du portail et du mur sud vers le fond du paysage boisé et intégrer le jardin dans l’environnement provençal. La ligne principale de l’allée nord-sud est renforcée à ses deux extrémités par deux couples de buis taillés en cubes surmontés d’un hémisphère.  Quelques blocs de romarin et de lavandes complètent le dispositif. Les quatre compartiments du jardin centrés par le bassin qui dessine des écoinçons sont enherbés et tondus. En hiver, leur couleur verte s’oppose au brun de  la terre où ne subsistent que les pieds d’iris de Provence, rendant ainsi sa lisibilité au schéma de jardin à la française à quatre compartiments.

Au printemps, le décor change totalement avec la floraison massive des iris bleu-mauve pâle de Provence qui occupent pratiquement tout l’espace et qui, comme le fait remarquer le concepteur du jardin, évoquent une mer au cœur du Luberon. L’effet de profusion monocolore est tout à fait saisissant et constitue une réussite exceptionnelle.

Quelques ponctuations d’euphorbes, de cistes ou de graminées prennent le relais des iris au moment de leur fanaison, même si les fleurs fanées blanchâtres perdurent pour animer la structure, selon la volonté du créateur. 

La troisième période du jardin commence avec la floraison des perovskias dont les longues tiges gris bleus se déploient en éventail jusqu’à une hauteur d’environ 1,20 mètre, estompant presque complètement les structures du jardin. C’est une autre marée de couleur plus sourde, plus éteinte que les iris, qui envahit l’espace et déborde sur les allées, formant une sorte de brume légère d’aspect aussi poétique qu’inattendu. En fin aout et début septembre, le beau

bleu des caryopteris apporte une nouvelle note colorée mais leur taille inférieure à celle des pérovskias ne permet d’en apprécier l’éclat que lorsqu’on les approche.

Cette évolution du jardin à rythme ternaire en fonction des saisons est une réussite qui mérite qu’on vienne l’admirer trois fois par an, fournissant ainsi l’occasion d’échanges passionnants avec les créateurs de ce jardin dont la composition date seulement de 2004.

Ajoutons qu’en marge, le long des murs, une collection d’artichauts que nous n’avons pas vus pendant leur période de floraison vient compléter la modulation en bleu, mauve et violacé du jardin . 

La succession des tons bleutés tout au long de la période de végétation est discrètement mise en valeur par le feuillage vert-jaune et la floraison des euphorbes établies aux quatre angles opposés des écoinçons du bassin. 

La grande difficulté des jardins monocolores de ce type, dont il faut souligner la grande réussite et l’originalité, est d’assurer la continuité des floraisons, ce qui est toujours difficile avec des plantes vivaces si l’on ne fait pas appel à des plantes molles, couteuses en obtention et en travail de plantation.

Aussi, le laps de temps qui sépare la fanaison des iris et la floraison des pérovskias constitue-t-il une période moins animée relevée par les seules lavandes qui commencent à fleurir.

Si l’on osait porter atteinte à la pureté actuelle du jardin, on pourrait peut-être formuler une suggestion  pour combler le vide relatif qui s’instaure, en ayant recours à un panachage de grandes hémérocalles jaunes et orange, ainsi qu’à l’utilisation de potées de lis blancs, jaunes et orange., couleurs complémentaires des bleus et des violets.

Une telle suggestion n’est toutefois formulée qu’avec une audace un peu irresponsable car elle vient porter le trouble à un parti rigoureux de monocoloration  qui, en soi, est une gageüre pleinement réussie.

Mais comme un jardin est en constante évolution, qu’il ne cesse jamais d’être un terrain de nouvelles expérimentations, il faut bien un peu harceler les heureux propriétaires du Pavillon de Galon dont les initiatives s’étendent aux vergers entourant la maison avec en particulier un labyrinthe, des arbres fruitiers relativement peu fréquents comme des cognassiers de Chine et des pistachiers vrais et, les encourager dans leur passionnante aventure.

A dire vrai, il ne semble pas qu’ils aient besoin d’être encouragés car, en avril 2011, ils ont pris l’initiative d’implanter au milieu des iris des buissons de buddléias de tons mauves dont nous n’avons pas encore pu contempler la floraison ni mesurer la taille et l’effet qu’ils produirons. Ce sera donc une nouveauté à laquelle nous vous convierons le moment venu.

Car on nous parle maintenant d’un futur jardin blanc…