Hubert Joly


UN JARDIN SUR L'ORONTE


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Un jardin sur l’Oronte

 

 

Résumé

Ce texte est un article d'Hubert Joly, écrit le 8 décembre 2024, décrivant la situation tragique et complexe à Alep, Syrie. Il évoque les combats récents, le contexte historique de conflits multiséculaires, et l'impact dévastateur de la guerre et des interventions extérieures. Joly exprime son impuissance face à la violence et à l’absence de solution, soulignant l'incertitude quant à l'avenir de la ville et de ses habitants. Il utilise des références historiques et littéraires pour illustrer la profondeur et la durée du conflit. L'article conclut sur une note d'inquiétude face à l'escalade de la violence et à la fuite de Bachar el-Assad.

 

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. » Ce texte est de Charles de Gaulle et date de 1941, alors qu’il faisait une visite en Syrie. Jamais on n’a eu davantage besoin d’idées simples pour tenter de dénouer une situation qui parait inextricable. Les amis de la Syrie et des Syriens ont appris avec consternation les combats dont la ville d’Alep et sa région depuis les derniers jours de novembre 2024.

Cette zone avait déjà cruellement souffert depuis la guerre depuis 2011 et le séisme de mars 2023 a encore aggravé la situation d’une population déjà très éprouvée. Et voilà que de nouvelles luttes ont pour objet une des plus anciennes cités du monde méditerranéen... Les protagonistes de ces hostilités sont multiples et leurs intérêts complexes et contradictoires sont encore aggravés par l’intervention des puissances extérieures. On ne voit pas aujourd’hui comment on pourrait aboutir à un cessez-le-feu durable et à une pacification de la région tant que le conflit israélo-palestinien n’aura pas reçu de solution. N’étant pas madame Soleil, je n’avais pas imaginé avoir accompli des actions prémonitoires lorsque j’ai acquis pour notre institution une gravure des Ruines de Palmyre par Louis-François Cassas et, postérieurement un grand panorama photographique de la ville d’Alep daté de 1926 et devenu, par la force des choses un document historique.

Il est loin le temps où le littérateur Maurice Barrès écrivit en 1922 un roman de chevalerie intitulé Un jardin sur l'Oronte. Ce fleuve au nom grec s’appelle en arabe al-Asi ou « le désobéissant » et il traverse notamment la ville de Hama à mi-distance entre Alep et Damas. J’avais eu la chance de la visiter en 2010, donc avant les tragiques évènements que nous vivons. J’avais été charmé par ses célèbres et gigantesques norias qui chantent ou qui grincent en déversant leurs eaux dans les séguias d’irrigation. Je me rappelle, au musée, un superbe lion de basalte d’environ 4 000 ans, dont j’espère qu’il n’a pas été pulvérisé par les obus. Aujourd’hui la guerre est aux portes de la ville et l’on ne sait pas quel sera le sort des malheureux habitants de la contrée. Il y a un tel enchevêtrement des factions et de leurs proxis qu’on ne sait pas comment tirer une épingle du jeu trouble des adversaires, les uns et les autres s’accusant d’avoir commencé les premiers. En fait, les oppositions sont tellement multiséculaires qu’on se tromperait à peine en remontant jusqu’à Isaac et Ismaël ou même, pour faire bonne mesure, aux enfants de Noé, et pourquoi pas, jusqu’à Adam et Eve... Le plus clair de la situation, si l’on peut dire, c’est qu’entre tous les maux, on ne sait pas quel camp choisir et quelle action tenter ou soutenir. Le régime de Bachar Assad est couvert du sang de ses compatriotes mais l’archevêque maronite de Damas me disait en 2013 qu’il craignait que ce fût encore pire après l’éventuel départ de ce bourreau.

Je serais bien incapable de conclure. On voit ce pays et toute la région souffrir sans trouver d’autres divertissements que des attaques mutuelles dont les protagonistes ne maitrisent aucunement les conséquences éventuelles. Des forces brutales et aveugles sont déchainées et ni la France, ni l’Europe ne sont en mesure d’apporter le moindre élément de pacification ou, au moins, d’apaisement.

Pauvre Alep qui ne peut que se lamenter et répéter : « Eli, Eli, lama sabactani ? », qui signifie en araméen : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »

Aujourd’hui, 8 décembre, les événements ont couru plus vite que mon stylo. La fuite de Bachar El Assad en Russie, la découverte des massacres d’opposants dépassent en horreur tout ce qui était soupçonné. On ne sait pas si le pire peut encore avoir des limites…

 

Hubert JOLY, 8 décembre 2024